Grâce à son approche anthropologique sans a priori, la chercheuse et psychologue Paula Uglione a déclenché au sein de SoHab un changement de perception sur l’occupation de l’espace public par les femmes et jeunes filles et initié de nouvelles pratiques de travail communautaire.

Une collaboration inédite entre chercheuse et travailleuses de terrain

Au début de l’année 2023, l’équipe SoHab des Marolles se trouvait face à un questionnement sur la manière dont les femmes et les jeunes filles occupaient l’espace public du quartier. Plusieurs travailleurs et travailleuses de terrain notaient l’absence visible de ce public dans la rue et interrogeaient sa représentativité dans les espaces associatifs.

C’est alors qu’une rencontre avec Paula Uglione, chercheuse et psychologue, a permis de lancer une collaboration inédite. Entre avril et juin 2023, Paula s’est immergée dans le quartier aux côtés de l’équipe. Basée sur une approche anthropologique, sa recherche s’est construite à partir des rencontres avec des femmes de tous âges, de l’écoute des perceptions des travailleurs et travailleuses de terrain, et de l’observation des dynamiques sociales dans le quartier.

Un rapport qui interroge et déstabilise les idées reçues

Cette immersion et observation ont donné naissance à un rapport de 54 pages, riches en photos et illustrations. Le point fort du récit de Paula réside dans sa capacité à « voir pour la première fois » les rues, les acteurs associatifs, et les passants du quartier. Sa distance critique lui a permis de dévoiler des aspects invisibles ou considérés comme acquis par les acteurs associatifs, donnant ainsi naissance à un rapport qui interroge et déstabilise les idées reçues.

Au-delà de cette remise en question, la réflexion a mis en lumière des aspects souvent négligés : la prise de soin, les relations familiales, la place des enfants. Les femmes, souvent créatrices de leurs espaces de vie — qu’il s’agisse de la maison, des lieux de convivialité ou des espaces dédiés aux contraintes ménagères — transforment leurs parcours quotidiens « utilitaires » dans l’espace public en espace de socialisation et de convivialité. Bien qu’elles puissent être perçues comme seules, elles tissent des réseaux de soutien et de solidarité autour d’elles.

Une évolution des pratiques de travail pour tenir compte des dynamiques sociales distinctes par genre

Ainsi, le regard neuf de Paula a fait évoluer la manière dont les travailleuses et travailleurs de terrain percevaient l’occupation de l’espace public, permettant de mieux visibiliser et valoriser la présence des femmes et des jeunes filles, tout en mettant en lumière des dynamiques sociales distinctes de celles observées chez les hommes et les jeunes garçons.

Il a également influencé leurs réflexions et pratiques de travail, notamment pour mieux intégrer une approche genre dans la conception et la mise en œuvre de projets communautaires et pour relancer l’expérimentation d’actions dans l’espace public, comme le « travail de rue », une pratique régulière de balades dans le quartier afin de capter les ressentis des habitants et d’observer spontanément les phénomènes sociaux.

Enfin, cette dynamique leur a permis d’aller à la rencontre de nouveaux et nouvelles alliées, partageant des visions communes d’une approche émancipatrice, tant envers les collectifs que les individus menant notamment à des initiatives de coconstruction ou des collaborations avec des artistes.

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